Création d’une zone à faibles émissions mobilités (ZFE-M) – mise à disposition du public du projet d’arrêté 2024
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- +["Entre une petite voiture de 970 kg comme la Dacia Spring et une BMW de plus de 2 tonnes, la quantité de métaux varie du simple au triple. Pour éviter, de toute urgence, que les mines ne mettent à sec des régions entières, la première chose à faire serait de diminuer la demande en métaux en réduisant la taille des véhicules. C’est ce que préconise l’ingénieur Philippe Bihouix, spécialiste des matières premières et coauteur de La ville stationnaire \n\nEnquête — Mines et métaux\nLes voitures électriques assoiffent les pays du Sud\n\nhttps://reporterre.net/Les-voitures-electriques-assoiffent-les-pays-du-Sud\n\nPour extraire des métaux destinés aux voitures électriques des pays les plus riches, il faut de l’eau. Au Maroc, au Chili, en Argentine… les mines engloutissent la ressource de pays souffrant déjà de la sécheresse.\n\nVous lisez la seconde partie de l’enquête « L’exploitation minière assèche les pays pauvres ». Retrouvez ici la première partie sur l’implication des constructeurs BMW et Renault dans ce scandale écologique.\n\n• Cette enquête est diffusée en partenariat avec l’émission La Terre au carré, de Mathieu Vidard, sur France Inter.\n\nBou Azzer (Maroc), reportage\n\nBatteries, moteurs… Les voitures électriques nécessitent des quantités de métaux considérables. Si rien n’est fait pour limiter leur nombre et leur poids, on estime qu’elles pourraient engloutir plusieurs dizaines de fois les quantités de cobalt, de lithium ou de graphite que l’on extrait aujourd’hui.\n\nDémultiplier la production minière dans des proportions aussi vertigineuses a une conséquence directe : elle pompe des ressources en eau de plus en plus rares. Car produire des métaux exige beaucoup d’eau. Il en faut pour concentrer le métal, pour alimenter les usines d’hydrométallurgie, pour les procédés ultérieurs d’affinage ; il en faut aussi pour obtenir les solvants et les acides utilisés à chacun de ces stades, et encore pour simplement limiter l’envol de poussières dans les mines. Produire 1 kilogramme de cuivre peut nécessiter 130 à 270 litres d’eau, 1 kg de nickel 100 à 1 700 l, et 1 kg de lithium 2 000 l [1].\n\nSelon une enquête de l’agence de notation étatsunienne Fitch Ratings, les investisseurs considèrent désormais les pénuries d’eau comme la principale menace pesant sur le secteur des mines et de la métallurgie. Elle estime que « les pressions sur la ressource, comme les pénuries d’eau localisées et les conflits d’usage, vont probablement augmenter dans les décennies à venir, mettant de plus en plus en difficulté la production de batteries et de technologies bas carbone ». Et pour cause : les deux tiers des mines industrielles sont aujourd’hui situées dans des régions menacées de sécheresse [2].\n\nL’entreprise anglaise Anglo American, cinquième groupe minier au monde, admet que « 75 % de ses mines sont situées dans des zones à haut risque » du point de vue de la disponibilité en eau. La voiture électrique devait servir à lutter contre le réchauffement climatique. Le paradoxe est qu’elle nécessite de telles quantités de métaux que, dans bien des régions du monde, elle en aggrave les effets : la sécheresse et la pénurie d’eau.\n\nAu Maroc, la mine de cobalt de Bou Azzer exploitée par la Managem, qui alimente la production de batteries de BMW et qui doit fournir Renault à partir de 2025, prélèverait chaque année l’équivalent de la consommation d’eau de 50 000 habitants. À quelques kilomètres du site se trouvent la mine de manganèse d’Imini et la mine de cuivre de Bleida, tout aussi voraces en eau, qui pourraient bientôt alimenter les batteries de Renault. Le groupe a en effet annoncé vouloir élargir son partenariat avec Managem « à l’approvisionnement de sulfate de manganèse et de cuivre ».\n\nImporter de l’eau depuis le désert\nImporter du cobalt, du cuivre ou du manganèse depuis la région de Bou Azzer, cela revient en quelque sorte à importer de l’eau depuis le désert. Les prélèvements de ces mines s’ajoutent à ceux de l’agriculture industrielle d’exportation. À Agdez et dans les localités voisines, les robinets et les fontaines sont à sec plusieurs heures par jour en été, alors que la température peut approcher les 45 °C. « Bientôt, il n’y aura plus d’eau, s’insurgeait Mustafa, responsable des réseaux d’eau potable du village de Tasla, lors de notre reportage à Bou Azzer. Ici, on se sent comme des morts-vivants. »\n\nUn des conflits socio-environnementaux les plus graves qu’ait connus le Maroc ces dernières années s’est produit à 150 kilomètres de là , et il porte lui aussi sur l’eau et la mine. Dans la région du Draâ-Tafilalet, dans la commune d’Imider, la Managem exploite une mine d’argent, un métal aujourd’hui principalement utilisé pour l’électricité et l’électronique, en particulier automobile. D’ailleurs, selon le Silver Institute, « les politiques nationales de plus en plus favorables aux véhicules électriques auront un impact positif net sur la demande en argent métal ». À Imider, les prélèvements d’eau croissants de la mine d’argent ont poussé les habitants à la révolte. À partir de 2011, incapables d’irriguer leurs cultures, des habitants ont occupé le nouveau réservoir de la mine, allant jusqu’à construire un hameau de part et d’autre des conduites installées par la Managem. En 2019, les amendes et les peines d’emprisonnement ont obligé la communauté d’Imider à évacuer cette zad du désert, mais les causes profondes du conflit perdurent.\n\n« Ici, on se sent comme des morts-vivants »\nAutre exemple : au Chili, le groupe Anglo American exploite la mine de cuivre d’El Soldado, dans la région de Valparaiso. Les sécheresses récurrentes conjuguées à l’activité minière entraînent des coupures d’eau de plus en plus fréquentes. Pour le traitement du minerai, Anglo American est autorisé à prélever 453 litres par seconde, indique Greenpeace, tandis que les 11 000 habitants de la ville voisine d’El Melón n’ont parfois plus d’eau au robinet. En 2020, cette pénurie a conduit une partie de la population à occuper l’un des forages de la mine, comme au Maroc.\n\nDésalinisation d’eau de mer\nL’année suivante, les associations d’habitants ont déposé une plainte à la Cour suprême du Chili pour exiger la protection de leur droit constitutionnel à la vie, menacé par la consommation d’eau de l’entreprise minière. Face au mouvement de contestation national No más Anglo (On ne veut plus d’Anglo), le groupe a dû investir dans une usine de désalinisation de l’eau pour alimenter une autre de ses mégamines de cuivre au Chili. Distante de 200 kilomètres, l’usine fournira 500 litres par seconde à la mine de Los Bronces, soit la moitié de ses besoins en eau.\n\nLes entreprises minières mettent souvent en avant des innovations technologiques permettant d’économiser l’eau sur des sites. Dans les faits, les prélèvements en eau de cette industrie ont augmenté de façon spectaculaire ces dernières années : l’Agence internationale de l’énergie note qu’ils ont doublé entre 2018 et 2021. Cette augmentation s’explique par la ruée sur les métaux critiques, notamment pour les batteries, ainsi que par le fait que les gisements exploités sont de plus en plus pauvres. Comme l’explique l’association SystExt, composée de géologues et d’ingénieurs miniers, « la diminution des teneurs et la complexification des minerais exploités et traités conduisent à une augmentation exponentielle des quantités d’énergie et d’eau utilisées pour produire la même quantité de métal ».\n\nRéduire d’urgence la taille des véhicules\nEn bref, il y de plus en plus de mines, des mines de plus en plus voraces en eau, et de moins en moins d’eau. Les métaux nécessaires aux batteries jouent un rôle important dans ces conflits, qu’ils aient lieu au Maroc, au Chili ou sur les plateaux andins d’Argentine ou de Bolivie où l’extraction du lithium est âprement contestée par les peuples autochtones. Comme l’écrit la politologue chilienne Bárbara Jerez, l’électromobilité est inséparable de son « ombre coloniale » : la perpétuation de l’échange écologique inégal sur lequel est fondé le capitalisme. Avec les véhicules électriques, les pays riches continuent d’accaparer les ressources des zones les plus pauvres. Surtout, au lieu de s’acquitter de leur dette écologique en réparant les torts que cause le réchauffement climatique au reste du monde, ils ne font qu’accroître cette dette.\n\nEntre une petite voiture de 970 kg comme la Dacia Spring et une BMW de plus de 2 tonnes, la quantité de métaux varie du simple au triple. Pour éviter, de toute urgence, que les mines ne mettent à sec des régions entières, la première chose à faire serait de diminuer la demande en métaux en réduisant la taille des véhicules. C’est ce que préconise l’ingénieur Philippe Bihouix, spécialiste des matières premières et coauteur de La ville stationnaire — Comment mettre fin à l’étalement urbain (Actes Sud, 2022) : « C’est un gâchis effroyable de devoir mobiliser l’énergie et les matériaux nécessaires à la construction et au déplacement de 1,5 ou 2 tonnes, pour in fine ne transporter la plupart du temps qu’une centaine de kilogrammes de passagers et de bagages », dit-il à Reporterre.\n\n« C’est un gâchis effroyable »\n« C’est à la puissance publique de siffler la fin de partie et de revoir les règles, estime l’ingénieur. Il faudrait interdire les véhicules électriques personnels au-delà d’un certain poids, comme les SUV. Fixer une limite, ou un malus progressif qui devient vite très prohibitif, serait un bon signal à envoyer dès maintenant. Puis, cette limite pourrait être abaissée régulièrement, au rythme de sortie des nouveaux modèles. »\n\nC’est loin, très loin d’être la stratégie adoptée par le gouvernement. À partir de 2024, les acheteurs de véhicules de plus de 1,6 tonne devront payer un malus écologique au poids. Les véhicules électriques, eux, ne sont pas concernés par la mesure.\n\nLES BESOINS EN MÉTAUX EN CHIFFRES\n\nEn 2018, l’Académie des sciences constatait que le programme de véhicules électriques français repose sur « des quantités de lithium et de cobalt très élevées, qui excèdent, en fait et à technologie inchangée, les productions mondiales d’aujourd’hui, et ce pour satisfaire le seul besoin français ! » En clair : si on ne renonce pas à la voiture personnelle, il faudra, pour disposer d’une flotte tout électrique rien qu’en France, plus de cobalt et de lithium que l’on en produit actuellement dans le monde en une année.\n\nL’Agence internationale de l’énergie estime que la demande de lithium pour les véhicules électriques pourrait être multipliée par 14 en 25 ans, celle de cuivre par 10 et celle de cobalt par 3,5. Simon Michaux, ingénieur minier et professeur à l’Institut géologique de Finlande, a calculé récemment que si l’on devait électrifier les 1,4 milliard de voitures en circulation sur la planète, il faudrait disposer de l’équivalent de 156 fois la production mondiale actuelle de lithium, 51 fois la production de cobalt, 119 fois la production de graphite et plus de deux fois et demie la production actuelle de cuivre [3]. Quelles que soient les estimations retenues, ces volumes de métaux ne pourraient provenir du recyclage, puisqu’ils seraient nécessaires pour construire la première génération de véhicules électriques.\n\n\n\nPar Celia Izoard et Benjamin Bergnes (photographies)\n13 novembre 2023 à 09h22\nMis à jour le 15 novembre 2023 à 09h43\n\n"]
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25/07/2024 00:26