Création d’une zone à faibles émissions mobilités (ZFE-M) – mise à disposition du public du projet d’arrêté 2024
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- +["Le développement de la voiture électrique suppose des batteries au lithium-ion. Et le lithium, les sous-sols en regorgent dans différents coins de l’hexagone. Pour l’heure c’est dans l’Allier qu’un mégaprojet d’extraction est envisagé. Comme l’industrie est hyper polluante, les habitants de l’Allier mais aussi tous les citoyens de France et de Navarre sont invités à donner leur avis lors du débat public qui s’ouvre le 11 mars. Sur place, les opposants au projet ont la sale impression que les dés sont pipés. \n\nDe l’Allier, on connaît Vichy, son sinistre passé et ses eaux thermales, les châteaux des Bourbons, la forêt de Tronçais et ses chênes remarquables et puis c’est à peu près tout. Le département, moins spectaculaire que le Puy-de-Dôme son volcanique voisin, se caractérise par une désertification des villes, une campagne productiviste en diable où heureusement, demeure encore de ci de là quelques haies typiques du paysage du bocage bourbonnais.\n\nEt puis entre la Sioule et la Bouble, deux riantes rivières, se trouve la forêt des Colettes. Méconnu du grand public, ce massif forestier de quelque 4 000 hectares est pourtant l’une des plus belles hêtraies d’Europe, avec des sites classés zone Natura 2000. Pour son malheur, c’est là que la société Imerys a choisi d’exploiter une future mine de lithium, ce minerai si recherché pour équiper, notamment, les batteries des voitures électriques.\n\nCoup de tonnerre à Échassières\nIl est vrai que dans cette partie des Combrailles, entre Montluçon (Allier) et Saint-Éloy-les-Mines (Puy-de-Dôme), Imérys est en terrain conquis. Depuis 2005, la multinationale, spécialisée dans l’extraction des minerais, exploite sur le site d’Échassières une carrière de kaolin, cette argile blanche utilisée notamment dans la fabrication de la céramique et des porcelaines.\nEn octobre 2022, coup de tonnerre. Les habitants découvrent abasourdis un projet titanesque baptisée Emili, une jolie contraction qui signifie « Extraction de Mica lithinifère par Imerys ». Si Emili devait voir le jour, le village de quelque 300 âmes deviendrait alors la capitale française du lithium et la deuxième plus grande mine de lithium d’Europe. Le volume financier du projet (plus d’un milliard d’euros) et les enjeux environnementaux majeurs que pose cette nouvelle orientation dans l’extraction des roches, oblige Imérys a saisir la Commission nationale des débats publics (CNDP) pour l’organisation d’une consultation auprès des habitants de l’Allier mais aussi de tous les citoyens français. Laquelle débute le 11 mars pour s’achever début juillet.\n.. un soutien politique et financier massif de l’État dans le financement d’Emili.\n\nLa souveraineté énergétique, à quel prix ?\nL’objectif affiché d’Imérys est ambitieux. La multinationale entend produire quelque 34 000 tonnes de lithium par an à partir de 2028 et ce pendant au moins 25 ans. Un minerai, devenu depuis quelques décennies, « l’or blanc » de la souveraineté énergétique de la France à même de libérer l’Hexagone, voire l’Union européenne, de sa dépendance à l’Australie, le Chili et la Chine, les principaux producteurs de lithium dans le monde.\n\nIndispensable au fonctionnement des téléphones portables et autres babioles high tech, il est surtout l’un des composants essentiels à la fabrication des batteries des voitures électriques dont la production est plus qu’encouragée par les gouvernements européens dans le cadre de l’interdiction de mise sur le marché de véhicule thermique à horizon 2035. Le hic dans cette fabuleuse épopée ? Sa production énergivore, gourmande en eau et hautement toxique. Autant dire que l’extraction du lithium est loin de tenir les promesses d’une transition écologique « durable ».\n\nDu granite sort le mica, du mica sort le lithium\nSur le papier, pourtant tout est clean et déjà programmé. En janvier 2024, deux ans après la bombe médiatique dévoilant l’Allier comme l’Eldorado de ce « pétrole du XXIe siècle » qu’est le lithium, l’ensemble des sites retenus ont été dévoilés à la presse. À Échassières, l’actuelle carrière de kaolin serait déplacée (mais pas fermée, toutes retombées économiques étant bonnes à prendre) et laisserait place à la mine d’extraction de granite, puisque du granite on extrait le mica, et du mica le lithium.\n\nEntre les communes de Saint-Bonnet-de-Rochefort et de Naves, au lieu-dit Fontchalbert, sera mis en place une plateforme de chargement, pour transporter en train – Imérys vantant le « zéro camion » – le mica à Saint-Victor, distant d’une soixantaine de kilomètres. Cette petite ville paumée dans l’agglomération de Montluçon a été retenue pour devenir le site d’une l’usine pilote. Lors de cette ultime étape de transformation, le mica y serait calciné pour en tirer – enfin – sa substantifique et précieuse moelle lithinifère. « Je n’aimerais pas habiter là quand on voit qu’un simple dépôt de batterie de lithium peut s’enflammer, que dire d’une usine… », s’alarme Xavier Thabarant, guide naturaliste et cofondateur de l’association Préservons la forêt des Colettes, en faisant référence au 19 février dernier, date à laquelle un grave incendie d’un site a transformé 900 tonnes de batteries stockées en fumées toxiques dans une bourgade aveyronnaise.\n\nL’Allier vend son âme au lithium . Qu’importe ! Rien ne semble pouvoir arrêter le quadrillage en règle du territoire bourbonnais, prêt à sceller son sort à celui de l’extraction du lithium, grâce à la promesse d’emplois et de développement économique à venir. Éternelles chimères des pollueurs de tout poil.\n\nSur le papier, tout est beau. Dans la réalité c’est autre chose. Même si le directeur-général d’Imerys Alessandro Dazza affirmait, sur France Inter, en janvier 2023 que « la mine durable, responsable, ça existe », rien ne nous oblige à le croire sur parole.\n\nMembre actif de l’association Préservons la Forêt des Colettes et adhérente de l’association Stop Mine 03, Cécile, ingénieure en génie civil, spécialiste en géotechnique a bossé dans les forages et autres travaux souterrains. Autant dire qu’elle est « bien placée pour savoir ce que sont les mines ». Quel que soit le greenwashing d’Imérys, elle est catégorique : « En matière de pollution et de nuisances, le lithium est vraiment abominable. Et si aujourd’hui, Imérys parle de mine moderne, il ne vaut pas croire que c’est synonyme de mine vertueuse. Les quantités de roches nécessaires à l’extraction de 34 000 tonnes de lithium vont être phénoménale car les rendements en équivalent lithium métal ne représentent que 0,5 % de l’ensemble de la roche extraite ».\n\nOrImérys annonce déjà 2 millions de tonnes par an, soit 5 500 tonnes de roches abattues et broyées, tous les jours, toute l’année. « Soit, pour être plus parlant encore, l’équivalent d’une piscine olympique tous les jours 7 jours sur 7 365 jours par an. Au bout de trois ans vous avez la pyramide de Kheops et au bout de 25 ans une sphère dont le diamètre serait celui de la tour Eiffel. C’est pharaonique », s’alarme l’ingénieure en génie civil.\nD’autant plus que le concassage, le broyage du granit en poudre à la granulométrie proche d’une farine puis la technique nécessaire pour en séparer les minéraux dont le mica nécessite de l’eau en quantité industrielle mais aussi « l’emploi de réactifs chimiques de type « collecteurs » dans des quantités alarmantes », précise encore Cécile. Et encore, ce n’est que la première étape du processus. Il faudra encore écumer le mica, l’envoyer via des pipelines sur une autre site pour le dessécher, le déshydrater, puis l’expédier près de Montluçon pour y subir une nouvelle transformation via une technique métallurgie sous très haute température avec l’emploi d’acides surpuissants.\n\nFinalement « entre la roche extradée au départ et le lithium obtenu à la fin on est sur un rendement de 0,5 %, autrement dit une proportion infinitésimale. Tout le reste, c’est-à -dire 99,5 %, ce sont des déchets ! On en fait quoi ? », demande-t-elle, sincèrement inquiète du développement vitesse grand V d’une industrie polluante incapable d’apporter des réponses à toutes les questions sanitaires et environnementale induites par leur production.\n\nRetour sur le terrain. La route départementale qui mène à Échassières longe longuement le massif forestier des Colettes. Avant d’entrée dans les secteurs de Saint-Bonnet-de-Rochefort et de Nades, on remarque quelques panneaux accrochés aux grilles des petites maisons qui clament : « Non au quai de chargement ».\n\nEn 2023, « les conseils municipaux des deux bourgs avaient voté une motion contre pareille installation », notait La Galipote, un trimestriel auvergnat indépendant et écolo. .. l’un des élus, agriculteur de son état « J’ai été appelé à la sous-préfecture parce que j’avais soi-disant parlé à la presse alors… ». Est-ce à dire que les élus subiraient quelques pressions ? ..\n\nMais on peut aussi s’interroger sur le discours dithyrambique de la préfète de l’Allier, Pascale Trimbach. .Dans une conférence de presse organisée en janvier 2024 à Montluçon, la représentante de l’État s’enflamme pour cet « événement historique ». Un projet, tantôt qualifié d’« exceptionnel » tantôt d’« exemplaire » pour lequel elle est « montée à Paris à plusieurs reprises avec des élus locaux. Les ministères ont pu remarquer qu’il n’y avait pas une feuille de papier à cigarette entre nous ». ..\n\nÀ la question d’un journaliste de La Montagne sur la craintes d’éventuelles oppositions, la Préfète rétorquait : « À ce stade, l’ensemble des élus locaux me semblent conscients de l’opportunité. Vichy a profité de son inscription mondiale à l’Unesco, Moulins de l’ouverture de l’A79. Il restait un point faible avec Montluçon. Ce projet d’usine de conversion va créer 500 à 600 emplois directs et un millier d’emplois indirects ». L’argument des emplois – réels ou supposés – est une constante dans ce genre de montage. Il permet souvent de faire pencher la balance du côté développement industriel quel que soit le coût environnemental à payer.\n\nEn revanche, la distribution des bons points façon « pas de jaloux » entre trois grandes villes du département, c’est du jamais vu. Et à vrai dire du grand n’importe quoi. En d’autres termes ça signifie : A Vichy le label, à Moulins la mobilité, à Montluçon… les risques sanitaires. N’y aurait-il pas d’ailleurs comme un gros souci démocratique quand une haute fonctionnaire nommée par l’État – et non élue – pousse les arguments économiques sans se préoccuper des problèmes sanitaires et environnementaux que peut engendrer une telle implantation sur le territoire départemental ?\n\nEt ce d’autant plus qu’en novembre 2023, une enquête de Disclose et Investigate Europe a mis en lumière un rapport de Géoderis qu’élus, ministres et consorts semblent avoir totalement oublié de consulter. .. Car que dit ce document du bureau d’expertise public spécialisé dans l’« après-mine » et malencontreusement passé sous les radars ? Que les sous-sols actuellement explorés par Imérys pour y trouver le lithium sont déjà extrêmement pollué en plomb et arsenic notamment. Des taux relevés allant « jusqu’à plus de dix fois les seuils de risque », s’alarme Géoderis.\n\nIronie du sort, à quoi doit-on cette extrême pollution des sols et des eaux du coin ? Au passé minier du site. Pendant des décennies, toute cette zone a vécu de l’extraction minière de la wolframite pour son élément chimique fort convoité à l’époque : le tungstène. Abandonnée au début des années 60, la mine n’existe plus qu’à l’état de vestiges. Au bord de la départementale qui mène au Mazet, quelques murs d’usines se dressent encore, avec gravé sur l’une des façades l’emblème des mineurs de jadis : lampe à acétylène, marteau et pic.\n\nUne « dune du Pila » locale bourrée d’arsenic\nCe qu’on ne voit, ni ne sent qui est autrement plus flippant. Une promenade champêtre avec Cécile peut vite se transformer en film d’horreur. Ce qu’elle veut nous montrer se trouve sur un terrain privé. Pour y pénétrer, un pas de côté, une trouée déjà présente dans les broussailles suffisent à faire la nique à la barrière minimaliste fermée par un antivol de vélo. Fragile interdiction face à ce site abandonné, hautement toxique mais non signalé depuis la route. Une courte balade dans la végétation rase et nous voici contemplant un vaste monticule. « Notre dune du Pila à nous ! fait mine de plaisanter Cécile. Composée de déchets miniers et blindée d’arsenic. La poudre qui la compose est aussi fine que de la farine. Un coup de vent et hop ça s’envole ! » Et quelques bonnes averses et zou dans les nappes phréatiques.\n\nLe sol ici est bourré de remblais toxiques. Selon un inventaire de Géodéris, sur plus de 226 sites classés en Auvergne-Rhône-Alpes, celui du Mazet se classe parmi les dix plus critiques. Il décroche le pompon de la plus mauvaise note : un E sur une échelle allant de A à E concernant les risques sanitaires et un 3 sur une échelle de 1 à 3 concernant les risques structurels, comprendre les éventuels effondrements de terrain. De la science-fiction ? Pas vraiment. « En 2015, le barrage de Cotillons qui retenait des résidus miniers sous forme de boue à a cédé, déversant 200 000 mètres cube d’arsenic, de plomb, de lithium dans les eaux de la Bouble », rappelle encore la scientifique.\n\nLa pollution se retrouve aussi dans la forêt des Colettes où l’on extrayait au plein cœur du massif forestier le kaolin et le tungstène. Ces mines, aujourd’hui abandonnées sont redevenues des endroits où la nature a – comme on dit – repris ses droits… avec quelques bizarreries quand même. Les hêtres et les chênes remarquables laissent bientôt place à des bruyères, des arbustes aussi variés que la topographie des lieux. Laquelle se fait pleine de bosses et de creux, d’affleurements rocheux, de petits étangs dont Xavier assure qu’à certain moment de l’année leurs eaux sont couleurs turquoise.\nDrôle d’endroit : surprenant, incongru, presque surnaturel. D’ailleurs, avoir envie de plonger dans cet étrange lagon serait une très mauvaise idée. \n« C’est joli c’est sûr, mais c’est surtout très pollué », prévient le naturaliste. L’interdiction de se baigner est bien mentionné sur le site internet de l’ONF mais pas en forêt. Or, l’été, « les touristes, surtout anglais ou hollandais, adorent s’y promener et quand il fait chaud y piquer une tête ». Des rails rouillés qui viennent d’on ne sait où, des traverses de bois de chemin de fer incrusté dans le sol ou, pire encore, le squelette en arceaux d’un fût rongé par la rouille qui émerge d’une mare témoigne de l’histoire industrielle des lieux… et du je-m’en-foutisme des industriels à nettoyer leurs déchets polluants.\n\nLes Bourbonnais embourbés dans leur mine ?\nComment comprendre alors que cette nouvelle ruée minière ne soulève pas les habitants en masse ? En Serbie où Imerys voulait implanter un projet, la mobilisation citoyenne a fait reculer la multinationale. Au Portugal, ça bataille ferme pour éviter le pire. Mais dans l’Allier ?\n\nDoit-on cette absence de résistance au sentiment qu’ici, on a toujours vécu « de » et « avec » la mine ? Sans doute. « Mais attention, prévient Cécile, je ne suis pas certaine que ceux qui nous opposent le passé minier de l’Allier aient conscience que ce qui se prépare va nous faire changer d’échelle. Le process industriel complexe, lourd et impactant d’Imérys n’a rien de comparable avec les carrières et les mines historiques. En trois mois, Imérys va être capable de sortir l’équivalent de ce qui est sorti ici en 50 ans. Est-ce qu’on mesure ce que ça veut dire ? ». Réponse : une destruction massive du vivant et une course en avant dans la surconsommation.\n\nEt les quelques opposants l’ont bien compris. Ils n’ont de cesse de questionner le modèle de société, appellent sans tergiverser à ralentir la machine économique générale pour éviter l’emballement généralisé vers des points de non-retour. « Pour moi ce n’est ni ici, ni ailleurs. Dans chaque pays, il faut se battre contre ces projets à la con », lance sans langue de bois Xavier Thabarant, notre guide naturaliste et cofondateur de l’association Préservons la forêt des Colettes. « La transition écologique dont on nous rabat les oreilles et en fait une transition énergétique. Au prétexte de lutter contre le dérèglement climatique – il faut le faire bien sûr – on laisse tomber toutes les autres limites planétaires comme la biodiversité, l’eau, les sols… Tout passer à l’aune du réchauffement climatique pourrait être contre-productif », renchérit Cécile. Ubuesque même car « pour éventuellement réussir à contenir le réchauffement, on s’apprête à détruire littéralement notre environnement ».\n\nD’autant plus que malgré le gigantisme du projet, rien ne semble capable d’arrêter les appétits d’ogre des constructeurs des bagnoles électriques et des industriels de l’extraction des minerais. Au micro de On n’arrête pas l’éco sur France Inter, Allessandro Dazza, le patron d’Imérys, estimait qu’il faudrait « 18 fois plus de lithium en 2030 qu’aujourd’hui ».\n\nAprès le Massif central, les industriels du secteur lorgnent du côté de la Bretagne ou de l’Alsace. Avec les projets fous de développement des voitures électriques, c’est bientôt toute la France qui risque de ressembler à un immense gruyère. Heureusement, il semblerait que le lithium, qui constitue la base chimique des stabilisateurs d’humeur, soit aussi très utile pour lutter contre la dépression. Dans une ou deux décennies, les habitants de l’Allier, revenus des promesses d’Imérys, en auront sans doute grande utilité. S’il en reste encore dans les sous-sols bourbonnais.\n"]
Version créée le
10/08/2024 20:08