Mise en compatibilité du PLU pour le projet BAHIA, sur le site de Bagatelle à Talence : concertation préalable
Projet
Je suis contre cette
Je suis contre cette modification.
Plantons le décor : d'un côté, à Villenave d'Ornon, un hôpital militaire, l'HIA (Hôpital d'instruction des armées) Robert Picqué, créé en 1880. Il est ouvert "aussi bien aux personnes du ministère de la Défense qu’à l’ensemble des assurés sociaux" (1). La surface actuelle serait de 32 hectares (2)
De l'autre côté, à une distance d'environ un kilomètre, une "fondation privée, à but non lucratif, créée en 1863 par l’Église Réformée et reconnue d’utilité publique en 1867, la Maison de Santé Protestante de Bordeaux (ou Fondation Bagatelle), installée à Talence depuis 1920, sur un domaine de 7 hectares, du nom de Bagatelle". (3)
Entre ces deux établissements sanitaires très proches, et pratiquant des actions de soins similaires, l'idée d'un partenariat se fait jour : l'armée conserverait sa mission de maintien des compétences de ses personnels et capacité de les "projeter" en missions extérieures, tandis que Bagatelle récupèrerait la patientèle civile de l'HIA Robert Picqué, part actuellement la plus importante de son activité.
Au début, pour les deux parties ainsi que pour divers observateurs autorisés, le déménagement de Bagatelle sur les terrains de Robert Picqué allait de soi.
Or nous devons constater qu'il n'en est rien. En effet, le projet Bahia prévoit que la Fondation Bagatelle construise plusieurs importantes extensions afin d'accueillir les composantes spécialisées de Robert Picqué, ainsi que des structures nouvelles à créer, comme le service des urgences.
L'investissement de 90 m€ est supporté par Bagatelle. Cet investissement est financé par Bagatelle pour les 2/3 (vente de 2 parcelles plus un emprunt), et par l’Etat pour 1/3 (redevance annuelle du Ministère des Armées visant à couvrir les coûts d'utilisation des locaux et des équipements et un financement du Ministère de la Santé. (4)
Par ailleurs, le président de la fondation s'engage solennellement à garantir le maintien de la tarification en secteur I.
L'hôpital Bagatelle est un ESPIC (Etablissement de santé privé d'intérêt collectif). Les ESPIC remplacent les "établissements participant au service public hospitalier" (PSPH), au terme du vote de la loi Hôpital, Patients, Santé et Territoire (HPST). Les ESPIC recouvrent le champ du secteur privé non lucratif. La majorité de ces établissements dépendent de la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne (FEHAP). Ils sont financés de la même façon que les hôpitaux publics et gérés par une personne morale de droit privé. (5)
C'est à partir de ces données que nous pouvons tenter une analyse plus politique.
1 - Financement du projet
L'ESPIC doit être financé de la même façon que l'hôpital public, c'est à dire par la puissance publique, au titre d'un service au public, accompli ici par une fondation à but non lucratif. Or, en l'espèce, nous observons un financement en demi mesure, où l'état payera à Bagatelle une sorte de location pour accueillir ses militaires, pendant que la fondation devra financer les deux tiers, c'est à dire 40 millions d'euros, en vendant une partie de son patrimoine à une autre fondation du même groupe, et à un promoteur privé, trop heureux d'y construire deux résidences, assorties d'une dérogation pour un attique au dessus du 5° étage.
Je n'ai pas eu connaissance que le ministère de la santé ait demandé au CHU de Bordeaux de vendre des terrains de Haut Lévèque pour financer de nouvelles structures. Et si l'état ne le demande pas à l'hôpital public, pourquoi le demanderait-il à un hôpital Espic, à but non lucratif ?
A moins que l'on considère que Bagatelle est une clinique privée, fondée par quelques entrepreneurs afin de s'enrichir à moyen terme, auquel cas il est normal de leur demander de financer eux-mêmes l'outil de production de leur richesse. Or ce n'est pas le cas. Bagatelle est, certes, une fondation privée, et même si ce terme provoque des démangeaisons chez certains, il reste à but non lucratif, et donc tout à fait assimilable, en l'espèce, à un hôpital de service public. Alors quelle est la signification politique de ce financement quelque peu singulier ?
2 –L'argument du "Secteur 1"
Le président de la fondation, un honnête homme au sens historique du terme, promet de garder l'hôpital en secteur 1. C'est là une promesse généreuse, mais qui tient à un homme et à son actuel conseil d'administration. Or les puissances d'argent ne manquent pas de talent pour, le cas échéant, retourner un conseil d'administration. Cette promesse de maintien en secteur 1 n'a fait jusqu'ici l'objet d'aucune convention. Elle n'engage que celui qui l'exprime, fut-il de qualité. Il m'apparaît politiquement peu sérieux de s'en servir d'argument en faveur de ce projet.
3 - La localisation
Lorsque le projet à commencé à se faire jour, le futur ensemble Robert Picqué – Bagatelle devait, dans l'esprit de tous, se situer dans les 32 hectares de Robert Picqué. Finalement, le projet se construira sur les 7 hectares de Bagatelle, amputés des surfaces de l'établissement John Bost, à l'Ouest, et d'une confortable surface achetée par le promoteur Pichet.
Là encore, il faut poursuivre l'analyse politique : comment justifier un entassement de services sur la propriété de Bagatelle, ce qui rendra difficile tout agrandissement ultérieur lorsque la population accrue du Sud de la Métropole aura davantage de besoins en santé. Certes, ce sera dans vingt ou trente ans, mais n'est-ce pas aux femmes et aux hommes politiques d'aujourd'hui d'imaginer la santé du futur ? Il y a, sur le territoire de Robert Picqué, de quoi imaginer et réaliser non seulement un hôpital moderne, mais également tous les service annexes, ainsi qu'un centre de recherche et de formation, une maison de séjour pour les familles, des établissements pour la psychiatrie de l'enfant, et tant d'autres choses.
Et au lieu d'imaginer politiquement la préemption de ce qui pourrait s'appeler plus tard la "Cité de la Santé Sud Métropole", on gère les finances immédiates en se défaussant sur le "privé".
Les rares interrogateurs de cette marche forcée à vive allure se voient opposer la liste de tous ceux qui sont d'accord : on convoque ainsi le Conseil Départemental, Juppé, Rousset, et in fine, le gros mot qui cloue le bec : l'ARS, l'Agence Régionale de Santé.
Ce dernier organisme, rappelons le, est, en quelque sorte, la préfecture de région du ministère de la santé. C'est donc le ministère de la santé qui appuie ce projet Bahia, et Madame Darrieussecq est venue récemment accorder à Sud-Ouest un argumentaire à sa façon pour clore définitivement les oppositions éventuelles : " Force est de constater que tout le monde voit la fusion Bagatelle-Robert-Picqué sous un bon angle".
Or de deux choses l'une : ou bien la ministre de la santé n'est que le porte parole des hauts cadres de son ministère (ça s'est vu, déjà ) et c'est un problème politique, ou bien le ministre, comme son étymologie l'indique, est celui qui se trouve sous le Magistre, le chef de l'état en l'occurrence, et c'est également un problème politique. L' ARS n'y est pas pour grand chose, et ce n'est pas l'insulter que de dire que si le chef de l'état décidait l'arrêt de ce projet, l'ARS exposerait alors en détail toutes les raisons justifiant rationnellement cet arrêt.
On entend parfois un autre argument, clamé avec force, où l'armée aurait besoin de "vendre ses terrains pour financer la guerre". Certes, la guerre est détestable. Mais ici, il me semble que si vente il doit y avoir, elle se fera par la Direction de l'immobilier de l'État (DIE), une "direction du ministère chargé des finances, rattachée à la Direction générale des Finances publiques (DGFiP), et principalement chargée de superviser la gestion du patrimoine immobilier de l'État mis à la disposition des ministères et des établissements publics nationaux" (Wikipédia). C'est ce que l'on appelait "les Domaines". Le produit de l'éventuelle vente d'une partie de Robert Piqué viendrait rejoindre non pas le seul budget de l'armée, mais le budget de l'état, lequel finance, certes, les armes de la guerre, mais aussi les tribunaux et … les hôpitaux.
Nous, citoyens, pouvons-nous accepter que des décisions impliquant l'organisation de la santé dans notre territoire pour les vingt ans à venir soit guidées par la seule gestion immédiate des divers impératifs financiers ?
Pouvons-nous nous laisser clore le bec au motif que des hommes politiques imaginés importants seraient d'accord avec ce projet ?
Pouvons-nous laisser des femmes et des hommes politiques habitués aux compromis de gestion manquer autant d'imagination constructive pour ce qui concerne la santé et les soins de nos petits enfants ?
J'aimerai croire que plus tard, ils ne nous le reprocheront pas ...
François Lespinasse 61 Rue Voltaire 33400 Talence fr.lespinasse@wanadoo.fr
FĂ©vrier 2018
(1) https://www.defense.gouv.fr/content/download/488895/.../file/livret%20accueil.pdf
(2) http://urm33.devatom.net/node/23
(3) http://www.mspb.com/qui-sommes-nous-presentation/
(4) http://www.mspb.com/mes-docs/uploads/2017/10/NEWSLETTER-N%C2%B04-PROJET-BAHIA.pdf
(5) http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/protection-sociale/etablissements-sante/que-sont-etablissements-sante-prives-interet-collectif.html
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