Concertation préalable champ captant des landes du Médoc
Projet
Association agréée BASSIN D
Association agréée BASSIN D'ARCACHON ECOLOGIE
Objet : Concertation préalable champ captant des landes du Médoc,
du 26 octobre au 21 décembre 2021
Mesdames les garantes de la concertation,
Mesdames, Messieurs,
Nous vous prions de trouver ici nos observations quant au dossier cité en objet :
1. PROPOS LIMINAIRE
Bassin d’Arcachon Écologie, association agréée en Gironde pour la protection de la Nature et de l’Environnement, œuvre à la protection de la Nature, de la biodiversité, de l’eau, de l’air, des sols, des sites et paysages, intervient dans le domaine de l’urbanisme et de l’amélioration du cadre de vie.
2. JUSTIFICATION DU PROJET
En premier lieu, malgré une baisse tardive, la consommation d’eau par habitant a formidablement augmenté depuis les années 1970, sans que cette augmentation ne soit justifiée. Et le nombre d’habitants a explosé dans toute la Gironde.
Deuxièmement, Bordeaux-Métropole, en sollicitant un accroissement délibéré de sa population, se confronte inévitablement à des besoins accrus dans toutes les ressources. L’eau vitale est la première d’entre elles.
Troisièmement, une succession de pollutions accidentelles ont affecté et continuent d’affecter les eaux potables et les eaux de surface: ethyl-terbutyl-éther en 2009, perchlorate d’ammonium en 2011, nitroglycérine en 2015…
Le dossier s’exonère de ces questions, se bornant à exposer que certaines nappes souterraines sont surexploitées. C’est le cas de l’Éocène dont le dossier dit que « 48 millions de m3 y sont prélevés chaque année. » L’estimation -non explicitée- est que la sursollicitation serait de « 10 millions de m3 de trop par rapport à son rythme naturel de renouvellement».
La ponction de ces 10 millions de m3 est envisagée dans la nappe Oligocène qui, selon le dossier, aurait un « volume prélevable de 22 millions de m3 par an alors que seulement 9 millions y sont aujourd’hui puisés. »
Le partage de la ressource est donc, d’emblée, imposé comme une évidence.
Ce qui revient à dire « On manque d’eau ici, prenons-la ailleurs. »
Et ensuite ? Une telle solution n’est pas durable.
Quid des besoins à court, moyen et long termes de la population des landes du Médoc ? Quid des incidences sur la flore, la faune, les zones humides ?
Le principe de remplacer une ressource locale aussi précieuse et vitale que l’eau par une ressource prise à un territoire voisin est inéquitable et non-éthique.
3. MODÉLISATIONS
Les modélisations proposées tendent à indiquer que la nappe de surface connaitrait, en cas de mise en œuvre du champ captant, une baisse mineure.
Mais une modélisation n’est jamais qu’un schéma sommaire et simplificateur... et qui dans tous les cas se révèle approximatif ou inexact.
De plus, le dossier exclut certaines données du modèle PHONEME Apport des investigations de terrain - Évaluation de l’impact du champ captant des Landes du Médoc - Rapport final BRGM/RP-68406-FR cécembre 2018 qui évoquent un impact sur la nappe PlioQuaternaire.
Or, ce rapport note que « les valeurs des perméabilités des épontes sont plus fortes que celles issues de l’interprétation initiale des pompages d’essai. Il apparait cependant que le modèle génère des impacts simulés très forts au LanghienSerravallien (1 m) et au PlioQuaternaire (31 cm) alors que les impacts observés sur ces 2 nappes sont nuls. Ceci traduit la difficulté de reproduire à la fois les impacts des rabattements observés dans l’Oligocène sans générer des impacts dans les aquifères sus-jacents (non observés). »
De telles incertitudes ne peuvent que réserver de fortes surprises. Quoi qu’il en soit, la perméabilité des épontes pose question.
Le BRGM dit ne pas pouvoir indiquer la part de fluctuations affectant ses résultats.
Cette assertion ne saurait être admise puisque toute évaluation de ce type suppose une ou plusieurs fourchettes hautes et basses, dépendantes des diverses circonstances et scénarios, et qu’il convient d’évaluer.
Enfin, pour quantifier la réalimentation des nappes pouvant être impactées par le projet, il manque un tableau comparatif des recharges pluviales, des pertes dues aux perméabilités et aux drainages, des prélèvements en cours et en perspective.
4. SURSOLLICITATIONS
La bonne gestion d’un aquifère consiste à maintenir la réserve, puis à ne prélever que les apports et, ce, sur des périodes courtes.
D’une part, le « Volume Maximum Prélevable Objectif » de 18 Mm3/an qui était pressenti jusqu’en 2013 pour la nappe Oligocène littorale a été porté à 22 Mm3/an.
D’autre part, il n’est pas établi, notamment au regard des perturbations climatiques majeures, que la recharge naturelle puisse compenser le volume prélevé.
5. LES IMPACTS
A. LES NAPPES CONCERNÉES
1) NAPPE ÉOCÈNE
Selon le dossier, la nappe Eocène serait la grande bénéficiaire puisque le projet de champ captant des Landes du Médoc est supposé fournir un approvisionnement pour remplacer les 10 millions de mètres cubes prélevés chaque année en excédent dans cet aquifère.
Au travers des divers éléments fournis par le dossier, ce chiffre de 10 Mm3 présenté comme évident n’apparait pas clairement étayé ni justifié.
Dans quel délai le déficit serait-il compensé, s’il est envisagé qu’il le soit ?
Ou bien ce déficit sera-t-il stable et maintenu dans la durée ?
2) NAPPE OLIGOCÈNE
La nappe cible est celle de l’Oligocène.
Le dossier est très peu prolixe quand aux conséquences sur cette réserve, d’emblée estimée suffisante.
Il est pourtant douteux que le transfert des ponctions vers cet aquifère soit sans conséquence sur ce dernier. Cela mérite une analyse poussée et, si le champ captant se faisait, un suivi attentif.
3) EAUX DE SURFACE ET NAPPE PLIOQUATERNAIRE
La nappe phréatique et les eaux de surface sont de plus en plus sollicitées en substitution aux ressources des nappes profondes.
Dès la pré-concertation de 2014, un possible rabattement de nappe de surface d’une ampleur dramatique fut mentionné : 1,70 m !
Une modélisation prévoit une baisse de 31 cm.
Le dossier conclut à un abaissement de 10 cm « durant la période de l’année où les niveaux d’eau sont au plus bas, à savoir fin septembre, à la fin de l’été. »
Le dossier ajoute qu’ « à cette période de l’année, les racines des pins, qui descendent seulement à 60 cm sous le niveau du sol, ne sont pas en contact avec la nappe phréatique. »
Un rabattement de nappe à cette époque serait d’autant plus douloureux et mortel pour la flore et la faune que le réchauffement climatique cause des sécheresses intenses et prolongées et que les pluies d’automne arrivent désormais très tard.
Il est dit que « L’observation régulière de parcelles « témoins », dans et en dehors de la zone d’influence du champ captant, pourrait également être envisagée avec les acteurs locaux dans le cadre d’un Observatoire partenarial de suivi des effets du champ captant ».
Si le champ captant devait malheureusement être enclenché, cette intention serait à concrétiser.
Quant aux impacts, tout en les déniant, Bordeaux Métropole « a engagé une démarche auprès des sylviculteurs pour établir un protocole d’accord sur les conditions d’indemnisation de ceux-ci si des impacts étaient observés » et « Pour les quelques parcelles agricoles ayant recours à l’irrigation dans la zone d’influence du champ captant, l’influence de ce dernier sur leur activité est considéré comme mineur. »
On ne peut que s’étonner qu’avec une baisse de nappe PlioQuaternaire annoncée comme imperceptible ces mesures soient prises… Il faut croire que le rabattement est connu pour être plus sévère qu’on ne veut bien l’admettre et l’exprimer.
B. FLORE ET FAUNE
La flore et la faune paient un tribut chaque année plus lourd à la perte et à la dégradation des habitats naturels, et notamment à la régression des ressources hydriques accessibles.
Les zones humides sont les premières à disparaitre !
Mais le dossier ne tient aucun compte de ce problème.
A titre de comparaison, dans l’étude qui avait été réaliséeen vue d’un champ captant au Cénomanien Sud Gironde, dans le secteur de Saint Magne, l’analyse hydrogéologique avait conduit à l’abandon du projet « en raison d’impacts significatifs calculés sur la nappe superficielle et les lagunes des Landes de Gascogne qui présentent un fort intérêt environnemental et économique. Une forte incertitude subsiste sur la variation du niveau des lagunes de Saint Magne (zone Natura
2000) en fonction des pompages dans le Cénomanien du fait de la méconnaissance du
fonctionnement du milieu hydrologique superficiel et son lien avec la nappe du PlioQuaternaire ».
Ici, il y a présence de landes, dont des landes humides atlantiques à très haute valeur écologique, et des landes sèches à Bruyères et Ajoncs. Ces deux types de landes sont identifiés comme des habitats d’intérêt communautaire au sens de la réglementation européenne Natura 2000.
Le dossier ne dénie pas qu’elles abritent une flore et une faune protégées.
Malgré ce constat et l’affirmation qu’ « Une attention particulière doit également être apportée aux zones humides, omniprésentes à l’ouest de la zone d’étude, qui constituent des écosystèmes remarquables» le dossier estime qu’ « une mesure majeure d’évitement des effets » est de « privilégier les tracés de conduites le long des routes et non pas au travers des forêts ou chemins forestiers. »
L’autre mesure est de « bannir tout stockage de chantier au droit d’une zone humide. »
En premier lieu, des inventaires flore-faune sont nécessaires pour estimer les enjeux écologiques du projet.
En second lieu, la première mesure d’évitement est de ne pas contribuer, quelle qu’en soit l’ampleur, à l’assèchement de ces milieux.
C. FORÊTS
Le sol de ce territoire étant pauvre, sableux et très drainant, il rend très vulnérable toute végétation qui y vit.
Le rabattement saisonnier de la nappe phréatique a d’ores et déjà de lourdes conséquences sur les forêts.
De plus, l’actuelle altération du climat –qui ne cesse de s’aggraver !- affecte les forêts de ce territoire. La modification du cortège floristique est déjà patente.
Sous l’effet des longues et intenses sécheresses, des feuillus se dessèchent rapidement et meurent, comme s’ils avaient été exposés à l’incendie.
Certains semis de pins périclitent après quelques semaines, faute d’un régime pluviométrique équilibré et régulier.
Les forêts humides régressent avec toute la flore et la faune spécifiques qui en dépendent.
Tout abaissement accru de la nappe phréatique aurait de lourdes conséquences sur les milieux forestiers, leur flore, leur faune et sur la sylviculture.
6. BOULEVERSEMENT CLIMATIQUE
En matière de bouleversement climatique, tout ce qui était prévu pour demain ou après-demain est déjà la réalité actuelle, notamment en ce qui concerne l’altération des eaux douces : abaissement des lacs et des nappes superficielles, assèchement des zones humides, des cours d’eau, rapide régression de la biodiversité aquatique, semi-aquatique et terrestre, assèchement des puits et forages – y compris ceux de lutte contre l’incendie….
Sur ce même sujet, le SAGE nappes profondes cite :
- détérioration des conditions d'alimentation des nappes, précipitations hivernales plus courtes et plus intenses favorisant le ruissellement au détriment de l’infiltration, périodes sèches estivales plus longues, durée de vidange naturelle des nappes plus longue à une période où n’existe pas de recharge,
- nappes libres moins rechargées, d’où une moindre contribution à l’alimentation des nappes captives, directement ou par drainance,
- hausse du niveau de l'océan augmentant les risques d'intrusion d'eau saline dans les nappes,
- augmentation de la pression des prélèvements sur les nappes,
- moindre disponibilité des eaux superficielles se traduisant, à besoin constant, par un transfert des prélèvements vers les eaux souterraines, réduisant encore les possibilités d'apport de ces dernières aux milieux superficiels,
- nappes libres moins aptes à satisfaire les usages, d’où un report de prélèvements sur les nappes captives,
- augmentation des besoins (agricoles, eau potable) accentuant la pression sur les eaux souterraines du fait d'une moindre disponibilité des eaux de surface.
Ce même SAGE nappes profondes souligne que l’historique de la variation des réserves des aquifères révèle « que tous les réservoirs sont affectés par les grands déficits pluviométriques intervenus après 1976 […] ou les bilans climatologiques positifs […], en 1989 et 1991 : forts déstockages qui affectent toutes les nappes ; de 1992 à 1999 : une phase de reconstitution des réserves suivie d'une phase de déstockage ; de 2001 à 2006 : 6 années de soldes négatifs, voire plus pour certains réservoirs.
A l'examen des variations, tous les réservoirs présentent une diminution notable de leurs réserves entre 1972 et 2007 pour un total proche de 880 Mm3. »
Conséquemment, la simple substitution de prélèvements d’un réservoir vers un autre ne saurait satisfaisaire.
7. LA GRANDE ABSENTE DU DÉBAT : L’ÉCONOMIE D’EAU
Au début des années 1970, la consommation annuelle par habitant était de moins de 70 m3.
Cependant, le SAGE adopté en 2003 ne fixe pas d’objectifs en termes de modération de consommation puisqu’il vise 80 m3/hab/an en hypothèse basse, voire 75 m3/hab/an dans l'hypothèse d'une politique d'économie d'eau « renforcée ».
Le gaspillage d’eau dans les foyers est loin d’être étranger à la baisse notable des niveaux de tous les réservoirs d’eau potable.
De plus, la population girondine a explosé et il ne suffit pas de comptabiliser la consommation par habitant ; il faut considérer aussi cet accroissement démographique effréné.
Les seuils de prélèvement dans l’oligocène littoral prévus pour 2030 étaient déjà atteints en 2016.
Une réduction drastique des prélèvements en eau dans l’oligocène, qu’il s’agisse des usages domestiques, agricoles, industriels est un impératif.
De plus, la résolution des problèmes de fuites sur les réseaux est urgente.
8. « SI ON NE RÉALISE PAS CE PROJET »
Le dossier examine brièvement cette question « Que se passera-t-il si on ne réalise pas ce projet ? » Et ce pour balayer cette idée.
Examinons point par point :
- « L’absence de réponse au problème de surexploitation des nappes de l’Éocène aggraverait le phénomène de déclin de la ressource observé depuis 1972. »
Ce ne serait vrai qu’en l’absence de mesures drastiques d’économies d’eau.
- « Des conséquences concrètes pourraient affecter les consommateurs, avec en particulier pour les habitants des secteurs concernés des risques de coupures d’eau de plus en plus fréquentes en période de forte demande… »
Ces coupures devraient déjà avoir lieu sitôt et aussi souvent que la situation l’exige.
- « … et une diminution de la qualité de l’eau. »
Il n’y aura pas de dégradation de la qualité de l’eau si sa quantité est sauvegardée, ce à quoi des mesures volontariste d’épargne de la ressource doit aboutir.
- « Des projets d’urbanismes pourraient également être ajournés […] du fait de ressources insuffisantes.
Depuis longtemps les projets d’accueil des populations devraient être subordonnés à la ressource vitale entre toutes : l’eau !
- « La dépendance exclusive de certains territoires girondins vis-à-vis de la nappe de l’Éocène pourrait se traduire par une impossibilité d’assurer un égal accès à l’eau. Cela entretiendrait des déséquilibres démographiques néfastes pour l’aménagement du territoire. »
Cela conduirait d’abord la métropole à admettre ses limites en termes de capacité d’accueil et orienterait potentiellement une partie de la population vers des territoires où l’eau existe en quantité suffisante.
9. CONCLUSION
Le dossier indique que certaines nappes souterraines sont surexploitées.
C’est donc sur cette surexploitation qu’il convient d’agir sévèrement, avant d’entreprendre de sursolliciter d’autres nappes.
L’eau est la vie.
Aucun réservoir ne doit être si durement ponctionné ou pollué qu’il se trouve en situation de déficit ou de dégradation. Et aucun risque ne doit être pris au détriment des territoires que viserait un projet de substitution.
Tandis que Bordeaux métropole, par le biais d’un marketing territorial intensif, vise le million d’habitants, sa ressource la plus essentielle fait défaut.
Il s’agit d’admettre enfin cela comme un facteur limitant et procéder aux restrictions volontaristes d’usages qui s’imposent.
En conséquence des remarques qui précèdent, nous demandons l’abandon de ce projet de champ captant des landes du Médoc et un focus sur la réduction des consommations d’eau.
Veuillez, Mesdames, Messieurs, croire en l’assurance de notre sincère considération.
Pour Bassin d’Arcachon Écologie, la présidente, Françoise Branger
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