Classement dâoffice et plan dâalignement - CitĂ© de Vadelaincourt (Bordeaux)
Projet
M. Alain Anziani
M. Alain Anziani
Président, Bordeaux Métropole
Esplanade Charles-de-Gaulle
33045 Bordeaux Cedex
M. Jean-Daniel Alamargot
Commissaire-enquĂȘteur
Service foncier du PĂŽle territorial de Bordeaux
Esplanade Charles-de-Gaulle
33045 Bordeaux Cedex
Extrait de notre Lettre recommandée avec Accusé de réception
Bordeaux, le 30 novembre 2020
Objet : Projet de classement dâoffice de la CitĂ© de Vadelaincourt (Bordeaux)
ArrĂȘtĂ© n° 2020 BM 1130, du 23 septembre 2020
Monsieur le Président,
Monsieur le Commissaire-enquĂȘteur,
Bordeaux MĂ©tropole a dĂ©cidĂ© dâentamer une procĂ©dure en vue du classement dâoffice de la CitĂ© Vadelaincourt, Ă Bordeaux. Elle a pris, Ă cet effet, lâArrĂȘtĂ© n° 2020 BM 1130, portant ouverture de lâenquĂȘte publique, du 16 novembre au 1er dĂ©cembre 2020.
Dans ce cadre, et en notre qualitĂ© de propriĂ©taire et dâusufruitiĂšre, respectivement, du 20 rue Babin, et donc riverains et copropriĂ©taires de la CitĂ© Vadelaincourt, qui plus est menacĂ©s dâexpropriation en cas de classement dâoffice de la CitĂ© et de percement vers la rue Babin (1er considĂ©rant de lâArrĂȘtĂ© sous rĂ©fĂ©rence), nous souhaitons porter Ă votre connaissance les Ă©lĂ©ments suivants :
â
La base lĂ©gale retenue par Bordeaux MĂ©tropole est lâarticle L. 318-3 du Code de lâurbanisme, qui offre la possibilitĂ© aux collectivitĂ©s de se voir transfĂ©rer, d'office et sans indemnitĂ©, la propriĂ©tĂ© des voies privĂ©es ouvertes Ă la circulation publique dans des ensembles d'habitations, sous rĂ©serve d'une enquĂȘte publique menĂ©e au prĂ©alable.
LâArrĂȘtĂ© 2020 BM 1130 prĂ©cise dâailleurs que « la CitĂ© de Vadelaincourt est actuellement une voie privĂ©e appartenant aux propriĂ©taires riverains de part et dâautre de cette voie » et que « cette voie, ouverte Ă la circulation publique, est dĂ©gradĂ©e ».
Or cette affirmation est parfaitement erronĂ©e : la CitĂ© Vadelaincourt est une impasse qui nâa jamais Ă©tĂ© ouverte Ă la circulation publique.
Suivant une jurisprudence constante, une voie privĂ©e ne peut ĂȘtre « ouverte Ă la circulation des vĂ©hicules Ă moteur » que si le propriĂ©taire en est dâaccord.
La dĂ©cision dâouvrir ou de fermer ces voies Ă la circulation publique est une dĂ©cision du propriĂ©taire dans le cadre de lâexercice de son droit de propriĂ©tĂ© (article 544 du code civil) qui lâautorise notamment Ă dĂ©cider de clore sa propriĂ©tĂ© (article 647 et 682 du code civil).
La dĂ©cision de fermer une voie privĂ©e Ă la circulation constitue une mesure de gestion du propriĂ©taire. Dans ce cas, aucun formalisme de la dĂ©cision de fermeture nâest exigĂ©. La Cour de cassation, dans son arrĂȘt du 18 fĂ©vrier 2003, a rappelĂ© que la lĂ©gislation en vigueur « n'exige pas que l'interdiction de circulation sur les voies non ouvertes Ă la circulation publique soit matĂ©rialisĂ©e ».
Cette dĂ©cision, libre expression du droit de propriĂ©tĂ©, nâest pas susceptible de recours de la part des tiers. La matĂ©rialisation de la fermeture nâest pas obligatoire en droit. (Instruction du Gouvernement du 13/12/11 complĂ©tant la circulaire du 6 septembre 2005).
Comme rappelĂ© encore rĂ©cemment par le Conseil dâEtat (27 mai 2020, arrĂȘt N° 433608, ECLI:FR:CECHR:2020:433608.20200527), « le transfert des voies privĂ©es dans le domaine public communal prĂ©vu par les dispositions de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme est subordonnĂ© Ă l'ouverture de ces voies Ă la circulation publique, laquelle traduit la volontĂ© de leurs propriĂ©taires d'accepter l'usage public de leur bien et de renoncer Ă son usage purement privĂ© ».
La notion d'ouverture Ă la circulation publique ne rĂ©sulte pas d'un texte mais de la jurisprudence. C'est une notion de fait que les juges du fond apprĂ©cient souverainement (Cour de Cass. 2e civ., 13 mars 1980, n° 78-14.454). Une voie privĂ©e ne peut ĂȘtre rĂ©putĂ©e affectĂ©e Ă l'usage du public que si son ouverture Ă la circulation publique rĂ©sulte du consentement, au moins tacite, des propriĂ©taires (CE, 15 fĂ©vr. 1989, Cne Mouvaux). Les propriĂ©taires peuvent Ă tout moment dĂ©cider d'interdire l'ouverture ou son maintien Ă l'usage du public (CE, 5 nov. 1975, n° 93815, Cne Villeneuve-Tolosan).
En lâespĂšce, les copropriĂ©taires de la CitĂ© nâont, Ă aucun moment, et fĂ»t-ce tacitement, consenti Ă son ouverture Ă la circulation publique. A lâinverse, la grande majoritĂ© des voisins rĂ©affirme son opposition Ă ce que la CitĂ© soit considĂ©rĂ©e comme ouverte Ă la circulation publique.
De par la jurisprudence, il existe il existe trois niveaux d'interdiction à la circulation dans une voie privée :
1) l'apposition d'un panneau « circulation interdite - sauf riverains » : dans le cas de la CitĂ© Vadelaincourt, ce panneau Ă©tait placĂ©, depuis de nombreuses annĂ©es, Ă son entrĂ©e (en-dessous du panneau « voie sans issue »). A lâĂ©tĂ© 2020, peu avant lâouverture de la prĂ©sente enquĂȘte publique, ce panneau a Ă©tĂ© enlevĂ© (comme dĂ©jĂ relevĂ© par plusieurs copropriĂ©taires), sans aucune notification ni motivation. Bordeaux MĂ©tropole devra, le cas Ă©chĂ©ant, expliquer devant la justice administrative qui a donnĂ© lâordre de procĂ©der Ă un tel enlĂšvement, Ă un moment aussi « opportun », et pourquoi.
2) l'apposition d'un panneau « propriĂ©tĂ© privĂ©e - interdit au public » par les copropriĂ©taires, qui marque de maniĂšre irrĂ©fragable leur volontĂ© d'y interdire toute circulation aux non riverains : cette option est actuellement envisagĂ©e par les copropriĂ©taires. En effet, mĂȘme si la CitĂ© Vadelaincourt se trouvait « ouverte Ă la circulation publique », quod non, les propriĂ©taires pourraient Ă tout moment en interdire lâaccĂšs au public. ConformĂ©ment Ă l'arrĂȘt de la Cour Administrative d'Appel de Versailles, du 18/02/2016 (14VE01507), « l'administration ne peut transfĂ©rer d'office des voies privĂ©es dans le domaine public communal si les propriĂ©taires de ces voies ont dĂ©cidĂ© de ne plus les ouvrir Ă la circulation publique et en ont rĂ©guliĂšrement informĂ© l'autoritĂ© compĂ©tente avant que l'arrĂȘtĂ© de transfert ne soit pris, quand bien mĂȘme cette dĂ©cision serait postĂ©rieure Ă l'engagement de la procĂ©dure de transfert ». Câest dans le sens dâune rĂ©affirmation du caractĂšre de « voie non ouverte Ă la circulation publique » de la CitĂ© Vadelaincourt et, Ă titre subsidiaire, dâune dĂ©cision de fermeture de ladite CitĂ© que la majoritĂ© des copropriĂ©taires se prononcent dans le cadre de la prĂ©sente enquĂȘte publique, notamment par lâintermĂ©diaire de leurs avocats et sur le site en ligne dĂ©diĂ©.
3) additionnellement au point 2, la mise en place d'un systÚme de fermeture (chaßnes, portail ou autre obstacle) : cette option, non exigée par la loi ni la jurisprudence, est, néanmoins, actuellement étudiée par les copropriétaires.
A titre extrĂȘmement subsidiaire, le refus dâun seul des copropriĂ©taires Ă©tant, suivant la jurisprudence, suffisant pour rejeter la qualification de « voie ouverte Ă la circulation publique », et en notre qualitĂ© de copropriĂ©taires, nous rĂ©affirmons, par la prĂ©sente, notre opposition Ă ce que la CitĂ© Vadelaincourt, qui est une impasse, interdite Ă la circulation automobile depuis de nombreuses annĂ©es et appartenant Ă ses riverains, soit considĂ©rĂ©e comme Ă©tant ouverte Ă la circulation publique.
Dans ces conditions, nous considĂ©rons que le recours, en lâespĂšce Ă lâarticle L. 318-3 du Code de lâurbanisme sâapparente Ă un dĂ©tournement de procĂ©dure, voire Ă un excĂšs de pouvoir.
Par ailleurs, lâarrĂȘtĂ© 2020 BM 1130 mĂ©connaĂźt les stipulations de l'article premier du protocole additionnel Ă la convention europĂ©enne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertĂ©s fondamentales (« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut ĂȘtre privĂ© de sa propriĂ©tĂ© que pour cause d'utilitĂ© publique et dans les conditions prĂ©vues par la loi et les principes gĂ©nĂ©raux du droit international. ») en ce quâil ne dĂ©montre en aucune maniĂšre lâ « utilitĂ© publique » du projet de Bordeaux MĂ©tropole et, partant, de la procĂ©dure engagĂ©e.
â
Ainsi, sur le fond, lâintĂ©rĂȘt dâun percement entre la CitĂ© Vadelaincourt et la rue Babin (premier considĂ©rant de lâArrĂȘtĂ© en cause) nâest, Ă aucun moment, dĂ©montrĂ©. La rue Quintin, Ă quelques mĂštres, remplit parfaitement le rĂŽle de voie principale entre le cours GalliĂ©ni et Charles-Perrens ; dans lâautre sens, la rue El-Alamein en fait de mĂȘme. De plus, aucune Ă©tude dâimpact sur les bĂ©nĂ©fices et dommages Ă©ventuels pour la circulation et les riverains nâest fournie dans le cadre de la prĂ©sente procĂ©dure.
En outre, ce projet est frontalement contraire Ă la volontĂ© politique affichĂ©e tant par la Mairie de Bordeaux que par Bordeaux MĂ©tropole de limiter la place, lâimpact et les nuisances de la circulation automobile en milieu urbain, au profit dâune politique environnementale plus respectueuse du cadre de vie et favorisant les mobilitĂ©s douces. En cas de versement au domaine public et de percement, les nuisances dues Ă la circulation et au stationnement anarchique seraient irrĂ©parables, non seulement pour les riverains mais aussi pour la volontĂ© municipale et mĂ©tropolitaine affichĂ©e de sâinscrire dans le cadre dâun dĂ©veloppement durable et Ă©co-responsable.
Au total, et au lieu de sâenferrer dans une procĂ©dure illĂ©gale, illĂ©gitime et infondĂ©e, Bordeaux MĂ©tropole gagnerait Ă soutenir les copropriĂ©taires-riverains dans leur volontĂ© commune de prĂ©server et de valoriser leur cadre de vie, en faisant Ă©merger un projet collaboratif, citoyen et vĂ©ritablement Ă©cologique pour la CitĂ© Vadelaincourt.
Dans cette attente, nous vous prions de croire, Monsieur le PrĂ©sident, Monsieur le Commissaire-enquĂȘteur, en lâexpression de notre meilleure considĂ©ration.
M. RM, propriétaire du 20 rue Babin
Mme JM, usufruitiĂšre
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