Extension du tram B vers le centre - ville de Gradignan
Projet
Contribution de l'association
Contribution de l'association MĂ©tro de Bordeaux
A retrouver au format pdf ici : https://drive.google.com/open?id=1siw6nBEtrO3CrTeHc32i-pRL58z9AXWS
Renoncer au débranchement de la ligne B du tramway pour mieux desservir le centre-ville de Gradignan et le campus
1. Présentation
2. L’inopportunité d’un débranchement de la ligne B du tramway vers Gradignan
2.1. Des chiffres trop imprécis pour justifier l’envoi de tramways de 43m vers Gradignan
2.2. La dégradation du service sur la ligne B
2.2.1. Un débranchement complexe
2.2.2. D’importantes difficultés d’exploitation lourdement pénalisantes
2.2.3. Une offre peu lisible
2.3. La dégradation de la desserte de Gradignan
2.4. La dégradation de la desserte du campus
2.5. Un coût d’exploitation a priori sous-évalué
2.6. Un coût d’investissement inconnu
2.7. Une fréquentation aux modalités de définition inconnues
3. L’existence d’alternatives pour améliorer la desserte du campus et du centre-ville de Gradignan
4. Points de vigilance
1. Présentation
L’association Métro de Bordeaux a vocation non seulement à promouvoir la construction de lignes de métro sur la métropole bordelaise afin de pallier les déficiences des transports urbains actuels mais également pour but de participer à l’élaboration d’un réseau de transport multimodal polyvalent, cohérent et efficace. C’est à ce titre qu’elle apporte sa contribution aux projets d’extension du réseau de transport en commun en site propre (TCSP) en direction de la commune de Gradignan, avec un débranchement de la ligne de tramway B sur le campus et la création d’un TCSP entre le quartier Malartic et le centre hospitalier universitaire Pellegrin.
2. L’inopportunité d’un débranchement de la ligne B du tramway vers Gradignan
2.1. Des chiffres trop imprécis pour justifier l’envoi de tramways de 43m vers Gradignan
Le débranchement de la ligne B du tramway en direction de Gradignan est censé répondre à l’objectif d’améliorer la desserte du campus et du centre-ville de Gradignan. Pour justifier cet objectif, la notice explicative insiste sur le fait que « ce secteur représente une population cumulée de plus de 120 000 habitants, ainsi qu’une population étudiante actuelle de près de 60 000 personnes en forte croissance ». Il importe cependant de souligner que l’opportunité d’un projet de transport en commun ne peut être appréciée en prenant des données à ce point globales.
Une très grande majorité des 60 000 étudiants et les principaux sites du campus sont déjà desservis par la ligne B du tramway. Il s’agit donc en réalité d’améliorer la desserte des seuls pôles d’enseignement supérieur situés le long du cours de la Libération (ENSAP [900 étudiants], Kedge [4000 étudiants], Sciences Agro [560 étudiants], divers IUT), soit 10% environ des 60 000 étudiants au total avancés par la notice explicative. S’agissant du chiffre de 120 000 habitants, il convient de le rapporter à la superficie totale des trois communes de Talence, de Gradignan et de Pessac, soit 63km2. Alors que le chiffre de 120 000 habitants peut paraître très important, cela représente une densité d’à peine 2 000 hab./km2.
L’opportunité du débranchement de la ligne B vers Gradignan ne peut être démontrée qu’en recourant à des données précises (mais sans doute moins flatteuses) quant à la population, les emplois et les scolaires directement desservis par le projet. Or ces données ne figurent pas dans les documents de la concertation. Mais, au regard des photographies des secteurs traversés, il est clair que la densité est trop faible pour justifier une desserte par des tramways de 43m, doublée à quelques hectomètres et sur plusieurs kilomètres par le TCSP Malartic – CHU.
2.2. La dégradation du service sur la ligne B
2.2.1. Un débranchement complexe
Quel que soit le tracé, le débranchement de la ligne B vers Gradignan suppose de négocier un virage serré. Ajouté au cisaillement des voies existantes (notamment dans le cadre des tracés 1 et 3, particulièrement complexe), ce genre d’aménagement suppose le respect d’une vitesse très faible qui a un lourd impact sur les performances globales du tramway.
Le cisaillement des voies entraînera par ailleurs une diminution de la vitesse du tramway vers et depuis Montaigne-Montesquieu, qui avait déjà été impactée par la création du terminus partiel, alors qu’il s’agissait de l’une des sections les plus rapides du réseau de tramway. Il devrait également être à l’origine de sensibles complications de l’exploitation de la ligne B du tramway.
2.2.2. D’importantes difficultés d’exploitation lourdement pénalisantes
Le linéaire en voie unique est considérable, quel que soit le tracé : 43% pour le tracé n° 1, 35% pour le n° 2 et 36% pour le n° 3. Si le tracé n°2 présente légèrement moins de linéaire en voie unique, c’est aussi le seul qui ferait évoluer le tramway sur une voie banalisée sur 10% du tracé.
Ces modalités d’insertion du tramway auront de lourdes conséquences sur l’exploitation de la branche et, par voie de conséquence, de toute la ligne B. Il est à chaque fois relevé dans l’analyse multicritères que les différentes sections en voie unique « peuvent provoquer des petits retards fréquents pour gérer le croisement des tramways ». Ces difficultés sont renforcées avec le tracé n° 2, dont la voie banalisée « génère un risque de perturbation sur la ligne », outre une réduction de la vitesse. Il faut souligner que des retards sur une branche n’ont rien de « petit », a fortiori lorsqu’ils sont fréquents, au regard des conditions d’exploitation du tronc commun de la ligne B. Avec une fréquence moyenne de 3 minutes sur le tronc commun, l’exploitation doit être extrêmement précise. Un « petit » retard d’une ou deux minutes peut donc perturber l’exploitation de toute la ligne. Que des creux se forment entre les tramways à cause de ces « petits retards fréquents » et l’affluence en station ne pourra plus être contenue. Cette situation, qui se constate déjà aujourd’hui, donne immanquablement lieu à des ralentissements à cause d’opérations de régulation ou d’arrêts en station prolongés et, par conséquent, à une baisse de la vitesse commerciale. C’est finalement le confort des usagers qui est affecté. Il est donc à redouter que le débranchement de la ligne B vers Gradignan dégrade encore l’exploitation de la ligne B et fasse encore chuter la vitesse commerciale, laquelle est déjà à la baisse entre 2016 (18,51km/h) et 2017 (18,26km/h). D’ailleurs, l’analyse multicritères fait apparaître la perspective de « retards plus fréquents sur l’ensemble de la ligne ». C’est finalement le confort de tous les usagers de la ligne B usagers qui devrait être pénalisé par cette troisième branche au Sud-Ouest de la ligne. De plus, maintenir un niveau de fréquence acceptable malgré la baisse de la vitesse commerciale pourrait supposer l’achat de rames supplémentaires, l’embauche de salariés supplémentaires, un encombrement plus important encore de l’infrastructure, soit des surcoûts qui ne sont probablement pas anticipés.
Il faut également remarquer qu’il n’est question dans la notice explicative que d’un intervalle moyen de 3 minutes entre chaque rame sur le tronc commun suite à l’inauguration de la branche vers Gradignan. Aujourd’hui, l’exploitation du réseau repose sur la régularité. En effet, la régularité permet de mieux contenir l’affluence en station et d’éviter qu’une rame ne soit ralentie par un cumul trop important de voyageurs en station, ce qui creuserait l’écart avec la rame précédente et, à l’inverse, réduirait l’écart avec la rame suivante, laquelle serait elle-même ralentie… La régularité est déjà difficile à respecter sur le réseau de tramway actuel en raison de fréquences fortes, du contexte très dense dans lequel évolue le tramway et de la saturation. Mais le terminus partiel de Montaigne-Montesquieu permet cependant d’injecter une rame au moment le plus opportun. Demain, avec la branche vers Gradignan, le rôle de ce terminus partiel ne sera plus que marginal pour alimenter la branche gradignanaise de la ligne B. Or, il sera difficile d’injecter une rame depuis Gradignan pour assurer une meilleure régularité sur le tronc commun, surtout lorsque cette branche est affectée par de « petits retards fréquents ». C’est pourquoi, avec le débranchement de la ligne B vers Gradignan, il n’est plus question d’une fréquence, mais d’une fréquence moyenne. Autrement dit, les tramways se succèderont en station en moyenne toutes les 3 minutes. Mais puisqu’il ne s’agit que d’une moyenne, cela pourra être tantôt plus, tantôt moins. Ce projet amène donc à renoncer à la régularité, ce qui est pourtant la clé pour une bonne exploitation. Alors que la ligne B ne brille déjà pas par sa fiabilité (plus long tronçon APS) et par sa vitesse, la situation n’en sera que plus difficile avec un débranchement vers Gradignan, au détriment de tous les usagers.
C’est ainsi la desserte de toutes les communes aujourd’hui traversées par la ligne B, Pessac, Talence et Bordeaux qui se trouverait dégradée.
On ne peut que s’étonner, au regard de ce qui précède, du choix de la couleur dans le tableau de l’analyse multicritères pour la ligne « conditions d’exploitation de la ligne » : vert pomme pour les tracés n° 1 et 3 et jaune pour le tracé n° 2. Il faut déduire de ce choix que les tracés n° 1 et 3 présentent une « performance satisfaisante » en termes d’exploitation et le n° 2 une « performance moyenne ». Il est pour le moins douteux qu’un projet qui provoque de « petits retards fréquents » sur une branche tout en augmentant la fréquence des retards sur le reste de la ligne soit satisfaisant, ou à tout le moins moyen, sur le plan de l’exploitation ! « Mauvaise » et « très mauvaise » aurait été des qualifications assurément plus adaptées pour les performances du projet sur ce critère.
2.2.3. Une offre peu lisible
Avec 3 branches et un terminus partiel au Sud-Ouest, la ligne B devient tout aussi illisible pour l’usager qui devra se familiariser avec 4 destinations possibles (Beausoleil ; Pessac centre ; France-Alouette ; Montaigne-Montesquieu). Si l’abonné s’acclimatera sans doute avec le temps à cette diversité, il n’en ira pas de même de l’usager régulier qui se trouvera sans doute décontenancé par la succession de trams aux destinations si variées. D’ailleurs, l’information en station sera également compliquée par l’existence de ces 4 destinations possibles alors que les écrans ne permettent aujourd’hui l’affichage que de 3 destinations.
Dans ces conditions, affirmer que la performance des tracés n° 1 et 2 en termes de lisibilité est « satisfaisante » (vert pomme) interroge. Au mieux, leur performance est moyenne.
La performance du tracé n° 3 est pire encore puisque, dans ce scénario, les facultés de lettres et de droit sont desservies par les stations Unitec et Montaigne-Montesquieu, sur les branches pessacaises, et Esplanade des Antilles, sur la branche gradignanaise. Si cela ne devrait pas trop perturber les étudiants pour aller vers le campus, il en va différemment au retour. Au retour, les étudiants auront en effet le choix entre une station sur les branches pessacaises ou la station Esplanade des Antilles, sur la branche gradignanaise, mais sans savoir a priori sur quelle branche le plus prochain tramway passera. C’est ainsi la lisibilité d’un pôle représentant 33% des montées sur le campus qui est affectée. Dans ces conditions, la performance du tracé n° 3 n’est pas moyenne mais mauvaise.
2.3. La dégradation de la desserte de Gradignan
À Gradignan, la liane 10 est supprimée en raison du débranchement de la ligne B du tramway. Alors que la liane 10 dessert 13 arrêts à Gradignan aujourd’hui toutes les 10 minutes, la ligne B ne desservirait que 9 stations toutes les 15 minutes. La desserte ainsi assurée est bien moins fine et moins fréquente. L’environnement peu dense suppose pourtant de multiplier les arrêts pour concerner un maximum d’habitants. Une desserte complémentaire serait certes assurée mais par des lignes proposant une fréquence moins élevée, 20 à 30 minutes (60 minutes les dimanches) pour la ligne 21 et 30 minutes (ne circule pas les dimanches) pour la ligne 36. À chaque fois, une correspondance serait par ailleurs nécessaire avec la ligne B, circulant toutes les 15 minutes, pour rejoindre le centre de Bordeaux. Le bilan des gains de temps est alors largement négatif pour de nombreux Gradignanais, ce que ne doit pas masquer les 9 à 10 minutes gagnées entre le terminus Beausoleil et l’hôtel de ville de Bordeaux. La desserte de Gradignan se trouverait ainsi dégradée.
L’autre motif de dégradation de la desserte de Gradignan ressort clairement de l’analyse multicritères qui établit que la liaison Gradignan – Gare Saint-Jean demanderait davantage de temps qu’il en faut aujourd’hui. Pourtant, la diminution du temps de transport vers la gare Saint-Jean est un argument majeur avancé dans le projet de prolongement de la ligne D du tramway vers Saint-Médard-en-Jalles de même que dans le projet de BHNS Saint-Aubin-de-Médoc – Gare Saint-Jean. En outre, le trajet entre Gradignan et la gare Saint-Jean supposerait une correspondance, évaluée à 5 minutes. 5 minutes est certainement un temps de correspondance optimal, en heure de pointe. En heure creuse, en soirée, le week-end, le temps de correspondance pourrait être plus long que 5 minutes et faire perdre encore plus de temps aux Gradignanais pour rejoindre la gare Saint-Jean. On ne peut que s’étonner de ce que, malgré une perte de temps vers une destination aussi stratégique que la gare Saint-Jean et une correspondance, la performance du débranchement de la ligne B du tramway vers Gradignan soit jugée « moyenne » alors qu’elle est manifestement mauvaise, sinon très mauvaise.
En outre, les temps de trajet indiqués paraissent bien optimistes alors qu’il est régulièrement mis en avant le fait que l’exploitation à trois branches de la ligne B et l’importance des sections en voie unique provoqueront de fréquents retards. Les temps de trajet seront donc fréquemment supérieurs à ceux envisagés. En outre, la comparaison des temps de trajet ne prend pas en compte le temps d’attente en station. On ne peut pas mettre en avant les gains de temps permis par un débranchement de la ligne B par rapport à la liane 10 aujourd’hui sans rappeler que la fréquence du tram B à Gradignan ne sera que de 15 minutes, contre 10 minutes pour la liane 10 aujourd’hui. Cette circonstance amène à minimiser les éventuels gains de temps liés au débranchement de la ligne B et à s’alerter davantage des pertes de temps liées à la suppression de la liane 10.
Enfin, il semblerait qu’une vitesse commerciale de plus de 20km/h sur la branche de Gradignan ait été prise en compte pour calculer les temps de trajet. Or dans un contexte semblable, les 3,5km de l’extension de la ligne B vers France Alouette, où les sections en VU sont nombreuses, sont parcourues en 11 minutes, soit 19km/h à peine.
Dans ces conditions, un débranchement de la ligne B vers la commune ne répond aucunement à l’objectif d’améliorer la desserte de Gradignan mais participe au contraire de la dégradation de la desserte de la commune.
2.4. La dégradation de la desserte du campus
Quel que soit le tracé retenu, la desserte du campus est dégradée.
Dans le cadre du tracé n° 1, les stations Montaigne-Montesquieu et Doyen Brus ne seraient plus desservies que par 80% des tramways alors qu’elles sont aujourd’hui desservies par 100% des tramways. Ces deux stations représentent 43% des montées de la ligne B sur le campus. Ces 43% ne tiennent par ailleurs pas compte du rôle désormais essentiel joué par la station Unitec qui est parfois privilégiée par les étudiants en raison de la proximité de la bibliothèque universitaire, de bâtiments et d’amphithéâtres de la faculté de droit, du village 3, d’un parc-relai de 249 places, et en raison de l’affluence moindre en station. En outre, il est rappelé que le nombre d’étudiants sur le secteur est en forte croissance. Une baisse de 20% de l’offre sur ces 3 stations, où la demande est en forte croissance, est considérable et participe d’une très nette dégradation de la desserte du campus. Dans ces conditions, on s’étonnera de ce que la performance du débranchement de la ligne B du tramway est qualifiée de moyenne quand elle est, en réalité, très mauvaise.
S’agissant du tracé n° 2, seule la station Doyen Brus est desservie par la branche vers Gradignan. Aux termes de l’analyse multicritères, le débranchement de la ligne B n’affecterait donc essentiellement que la station Montaigne-Montesquieu. C’est là encore négliger le poids de la station Unitec dans la desserte de l’ouest du campus. Intégrer la station Unitec dans l’analyse doit conduire à la conclusion que la performance du débranchement de la ligne B du tramway n’est absolument pas satisfaisante et est, au mieux, moyenne.
Le tracé n°3 maintient la station Doyen Brus sur le tronc commun, comme le tracé n°2. La particularité tient à ce que, sur la branche de Gradignan, une nouvelle station, Esplanade des Antilles, serait créée sur l’esplanade éponyme, à proximité de l’Université Bordeaux-Montaigne, à 350m de la station Montaigne-Montesquieu (4 minutes de marche). Dans l’analyse multicritères, la performance du débranchement est jugée très performante pour la desserte du campus au motif que « les Gradignanais ont un accès direct à Montaigne Montesquieu via l'arrêt Esplanade des Antilles. La desserte du campus est très peu pénalisée dans ce scénario ». On s’étonnera d’abord que la desserte du campus ne s’apprécie qu’à l’aune de la situation des Gradignanais. Pour les étudiants de la faculté de droit, la station Esplanade des Antilles se trouve à plus de 500m de l’entrée principale, soit 6-7 minutes à pied. Ce n’est tout de même pas négligeable au point de paraître « très peu pénalis[ant] ». Au-delà de cette difficulté, les étudiants des facultés de lettres et de droit pourront descendre à Montaigne-Montesquieu ou à Esplanade des Antilles pour rejoindre le site de leurs études. Mais au retour, la situation est beaucoup plus compliquée puisque les étudiants auront alors à choisir entre prendre le tram à Montaigne-Montesquieu ou Unitec, stations desservies par les 2 branches de Pessac, et Esplanade des Antilles, desservie par la seule branche gradignanaise toutes les 15 minutes. Aussi les deux premières stations, mieux et donc plus fréquemment desservies, devraient être logiquement privilégiées par les étudiants pour le retour. L’existence d’une station Esplanade des Antilles ne présente guère d’intérêt mais l’inconvénient majeur de diminuer de 20% l’offre à Montaigne-Montesquieu. On peut se demander au regard de ces éléments ce qui amène à affirmer que « la desserte du campus est très peu pénalisée dans ce scénario ». Il eût été plus juste de se contenter d’affirmer que la desserte du campus est moins pénalisée dans ce scénario que dans les scénarios 1 et 2. En tout état de cause, rien ne permet de regarder la performance de ce troisième scénario comme « très performante ». Au contraire, elle est tout à fait moyenne, au mieux.
Après tout, les inconvénients sérieux de ce scénario mériteraient d’être relativisés si, parallèlement, la desserte des pôles d’enseignement supérieur du Cours de la Libération était considérablement améliorée. Mais ce n’est pas le cas. Déjà , d’une desserte toutes les 10 minutes, ces pôles ne seraient plus desservis que toutes les 15 minutes par le tram B. En outre, Kedge et ses 4 000 étudiants (soit le plus gros pôle) reste relativement éloigné de la station la plus proche. Les étudiants gagneraient 220m, soit beaucoup moins que ce que perdent les étudiants de la faculté de droit avec une station à Esplanade des Antilles. Les gains des uns ne compensent même pas les pertes des autres. En outre, pour les étudiants de Kedge, cela représente un gain de temps de 2 minutes par rapport au trajet qu’ils doivent aujourd’hui faire entre Doyen Brus et leur établissement. D’ailleurs, on peut raisonnablement se demander quel sera le comportement des étudiants de Kedge. À l’aller, attendront-ils un tramway à destination de Gradignan, toutes les 15 minutes, pour aller jusqu’à la station École d’architecture, la plus proche de leur établissement, ou se contenteront-ils d’un tramway à destination de Pessac, toutes les 3 minutes, pour rejoindre la station Doyen Brus, comme ils le font aujourd’hui ? Attendre un tram qui passe toutes les 15 minutes pour s’épargner 2 minutes de marche ou prendre le premier tram, dans 3 minutes maximum, bien qu’il faille marcher 2 minutes de plus ? Il est fort probable que Doyen Brus reste la station privilégiée par les étudiants de Kedge à l’aller. Et il en irait de même au retour : préféreront-ils faire 530m pour rejoindre la station École d’architecture où le tram passe toutes les 15 minutes ou privilégieront-ils toujours la station Doyen Brus où le tram passe toutes les 3 minutes en faisant 2 minutes de plus de marche à pied ? Il est fort probable que la station Doyen Brus demeure la station de retour des étudiants de Kedge. Dans ces conditions, on ne peut raisonnablement affirmer que la desserte de cet établissement est améliorée et on s’étonnera de ce que le débranchement de la ligne B vers Gradignan complique l’exploitation de la ligne B et dégrade les conditions de transport de tous les usagers sans même améliorer la desserte de Kedge !
Si l’accès au campus depuis Gradignan doit évidemment être un objectif, il est remarquable que Gradignan, par la liane 10 est à 10 minutes de Montaigne-Montesquieu, 19 de Peixotto, ce qui est mieux ou aussi bien que depuis la place Gambetta de Bordeaux, où logent de très nombreux étudiants. Par ailleurs, la liane 10 assure un service toutes les 10 minutes, contre 15 minutes pour le projet de tramway, et comporte 13 stations, contre 9 pour le tramway. À supposer que le tramway fasse gagner quelques minutes aux Gradignanais pour l’accès au campus, ces quelques minutes seraient inéluctablement perdues du fait de l’allongement des fréquences et de la desserte moins fine. Paradoxalement, même l’accès au campus depuis Gradignan est donc dégradé. L’évaluation comme une « très bonne performance de la variante par rapport au critère évalué » n’a donc pas de sens.
Par ailleurs, quel que soit le tracé, le débranchement de la ligne B du tramway entraînerait la suppression de la liane 10, qui circule toutes les 10 minutes, entre le village 6 et Peixotto. Elle serait remplacée par la liaison Bassens-Campus qui circulerait toutes les 20 minutes. À Montaigne-Montesquieu, les étudiants devront donc se reporter essentiellement sur la ligne B du tramway, pourtant déjà congestionnée, pour rejoindre la gare Saint-Jean avec une correspondance, sauf à attendre 20 minutes pour prendre un bus direct. Le débranchement de la ligne B renforcerait donc nécessairement la congestion du tramway alors que les conditions de transport des usagers sont déjà des plus difficiles et que la liane 10 avait précisément pour objet de détourner les usagers de la ligne B entre tout le campus et la gare Saint-Jean.
Le projet de débranchement de la ligne B du tramway vers Gradignan manque tout à fait son objectif d’améliorer la desserte du campus puisque, au contraire, il contribuerait à dégrader cette desserte.
2.5. Un coût d’exploitation a priori sous-évalué
Le coût d’exploitation du débranchement de la ligne B du tramway est évalué à 3,7M€ ou 3,8M€ selon les scénarios sur la base d’un coût kilométrique de 10€/km. On s’étonnera de ce choix alors que le coût kilométrique sur la ligne B est plus proche de 11€/km sur la ligne B au regard du dernier rapport du délégataire disponible. D’ailleurs, le coût d’exploitation du tramway par kilomètre semble plutôt en constante hausse. De 8,72€/km, il approche les 10€/km en 2015 puis les 11€ en 2017. Rien ne laisse entrevoir une baisse telle que le coût d’exploitation serait à nouveau réduit à 10€/km. Le coût d’exploitation du débranchement de la ligne B du tramway serait donc probablement supérieur à 4M€.
À 4M€ pour transporter chaque jour 9 000 usagers, cela revient à un coût par passager transporté par an de 1,42€. En comparaison, l’exploitation d’un métro à Bordeaux reviendrait à 0,49€ par voyageur transporté par an. Certes le métro est un investissement onéreux mais son exploitation s’avère au contraire très économique, en l’occurrence 3 fois moins cher que l’exploitation du débranchement de la ligne B vers Gradignan. Outre les différents points ici relevés, cela doit interroger sur la question de savoir si la priorité est véritablement de financer un débranchement de la ligne B du tramway vers Gradignan.
2.6. Un coût d’investissement inconnu
Le coût d’investissement n’est pas connu. Assurer de l’opportunité et de la faisabilité de ce projet dans ces conditions, et malgré tous les points relevés ici, paraîtrait hasardeux.
2.7. Une fréquentation aux modalités de définition inconnues
Les modalités de calcul de la fréquentation sur la branche de Gradignan ne sont pas connues. Ce point aurait pourtant mérité d’être développé. On est effectivement en droit de se demander si cette fréquentation n’est pas artificiellement gonflée alors qu’un TCSP desservira un gros quartier de Gradignan, à savoir Malartic, et pourrait transporter quotidiennement 17 000 voyageurs. Ce TCSP ne figure pas sur le plan, sur lequel seule la liane 8 est représentée. Cela laisse accroire que Gradignan serait desservie par un seul TCSP, ce qui est faux. L’impact du TCSP vers Malartic sur la fréquentation du tramway vers Beausoleil n’est aucunement étudiée.
On peut s’étonner de ce qu’une branche de tramway d’environ 6km vers Gradignan avec une fréquence de 15 minutes transportera presque autant de voyageurs (9 000 – 10 000) que toute la liane 10 (12 000) qui relie pourtant la rive droite de l’agglomération à la rive gauche, en passant par la gare Saint-Jean et en irriguant tout le campus, avec une fréquence de 10 minutes.
Notamment dans le cadre du tracé n° 3, on peut se demander si la fréquentation n’est pas surestimée alors que Doyen Brus devrait rester la station principale d’arrivée et de départ pour les étudiants de Kedge et alors que la fréquentation de la station Esplanade des Antilles n’est pas tant liée à la desserte d’un nouveau secteur mais à la diminution de l’offre à Montaigne-Montesquieu.
3. L’existence d’alternatives pour améliorer la desserte du campus et du centre-ville de Gradignan
S’il n’est pas opportun de débrancher la ligne B du tramway vers Gradignan, il n’est pas inopportun d’envisager la réalisation d’un BHNS pour améliorer la desserte du centre-ville de Gradignan. À aucun moment cette alternative au débranchement de la ligne B du tramway n’est étudiée.
Pourtant, en direction du campus, la liane 10, (Rive droite –) Gare Saint-Jean – Peixotto, fréquence 10 minutes, et une ligne nouvelle, Bassens – Village 6, fréquence 20 minutes, devraient être aménagées avec de nombreux sites propres. Il serait tout à fait possible de poursuivre cette infrastructure en site propre vers Gradignan, pour que la liane 10 continue de desservir le centre-ville de Gradignan mais en site propre.
Cette solution présente plusieurs avantages :
- Conserver la fréquence de 10 minutes à Gradignan alors que le tramway ne circulerait que toutes les 15 minutes sur la branche de la ligne B de Gradignan ;
- Améliorer la connexion au campus depuis Gradignan grâce à un site propre ;
- Améliorer la liaison entre tout le campus, et pas seulement Peixotto, la gare et la rive droite, alors que la liane 10, à la suite du débranchement de la ligne B du tramway vers Gradignan, est prévue pour s’arrêter à Peixotto, ignorant l’Ouest du campus ;
- Améliorer la connexion au centre de Bordeaux, à la rive droite et à la gare Saint-Jean depuis Gradignan, sans rupture de charge ;
- Éviter de reporter les étudiants et les Gradignanais sur la ligne B du tramway pour rejoindre la gare Saint-Jean et la rive droite, alors que la ligne B du tramway est déjà surchargée, présente de nombreux problèmes de fiabilité et son exploitation est pénalisée par de nombreux retards ;
- Ne pas dégrader la desserte du campus à l’Ouest de la station François Bordes ;
- Éventuellement conserver une desserte plus fine du centre-ville de Gradignan. Cet objectif est moins important dans l’hypothèse d’une fréquence de 10 minutes, qui rend acceptables quelques minutes de marche à pied, contrairement à une fréquence de 15 minutes, qui rend rédhibitoires quelques minutes de marche à pied ;
- Améliorer la connexion à la rive droite depuis Gradignan
Par ailleurs, ce projet de liaison vers Gradignan notamment avec l’objectif de mieux desservir notamment Kedge invite par ailleurs à réfléchir à la localisation des nouveaux sites (logements, emplois, enseignement). La relocalisation de Kedge plus au centre plutôt qu’une reconstruction sur site, à proximité immédiate de plusieurs TCSP existants, plus accessible à pied ou à vélo, aurait par exemple permis de desservir cet établissement sans qu’il soit besoin de se poser la question d’une nouvelle branche du tramway. C’est l’un des avantages du centre : les activités sont plus accessibles depuis les secteurs les plus densément peuplés avec des modes écologiquement viables. Et pour la périphérie, il est plus simple de rejoindre le centre plutôt que la périphérie opposée, les déplacements sont moins longs en termes de temps et de distance. La déconcentration des activités tend au contraire à compliquer voire à dégrader leur accessibilité. C’est vrai du campus dont la desserte ne tient littéralement qu’à un fil, celui du tram B, c’est vrai également du grand stade dont la desserte en tramway est littéralement une impasse. De ce point de vue, l’idée selon laquelle il faudrait davantage déconcentrer les activités ne peut qu’inquiéter tant les exemples bordelais (et autres) ne sont guère probants.
4. Points de vigilance
Dans l’hypothèse où la Métropole se lançait dans le débranchement de la ligne B du tramway vers Gradignan, plusieurs points attirent l’attention.
D’abord, le tracé n° 2, avec une double voie partagée VL jusqu’à Compostelle, provoquera de nombreux conflits d’usage et réduira inexorablement les performances du tramway. Cet axe serait par ailleurs monopolisé par les transports motorisés et les modes doux fortement marginalisés.
Ensuite, cette marginalisation des modes doux est aussi une problématique saillante dans le cadre du tracé n° 3. Des mesures devraient être prises pour conforter les modes doux de déplacement malgré la mise en place du tramway.
Association MĂ©tro de Bordeaux, 25 mars 2018.
metrobordeaux.fr
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